C’est à la fin des années 60 que Philippe Adrien, alors acteur, se fait connaître comme auteur dramatique : La Baye montée en 1967 par Antoine Bourseiller, avec Jean-Pierre Léaud et Suzanne Flon – puis trente ans plus tard par Laurent Pelly et, en 2017, cinquante plus tard, par Clément Poirée, au moment du passage de relais entre Philippe Adrien et Clément Poirée à la direction du Théâtre de la Tempête – révèle déjà un goût et un art du désordre qui plus tard mèneront Philippe Adrien vers des auteurs « irrévérencieux » : Jarry, Gombrowicz, Witkiewicz, Cami ou encore Copi… Le metteur en scène s’affirmera dans les années 70 au sein d’un travail collectif d’expérimentation : L’Excès d’après Georges Bataille ; L’Œil de la tête – effet Sade (auteur qu’il retrouvera en 1989 avec le texte d’Enzo Cormann Sade, concert d’enfers) ; Le Pupille veut être tuteur de Peter Handke ; La Résistance : autant de questions ou provocations au théâtre, à son cadre, à ses contenus. C’est en Allemagne qu’il aborde pour la première fois un auteur du répertoire : Molière, qu’il ne quittera plus : ce seront Dom Juan, George Dandin, puis une pièce qu’il lui consacre en 1979 : Le Défi de Molière.
Le début des années 80 va constituer une charnière : Jarry Ubu roi et Ubu cocu, Witkiewicz La Poule d’eau prolongent le geste libérateur et provocateur du cycle précédent : le théâtre y reste défini comme transposition scénique de processus mentaux, et c’est avec l’œuvre de Kafka que ce mouvement va ensuite cristalliser : Une Visite, adaptation de L’Amérique, en révèle la dimension loufoque et jubilatoire. Rêves de Kafka place l’activité onirique au cœur même de la création.
Nommé en 1981 directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry, à la suite d’Antoine Vitez, Philippe Adrien y présente Monsieur de Pourceaugnac (toujours Molière), Homme pour homme de Brecht, La Funeste Passion du professeur Forenstein dont il est l’auteur, La Mission de Heiner Müller.
En 1983, il est invité à mettre en scène à la Comédie-Française Amphitryon et Le Médecin Volant de Molière. Suivront, avec la même troupe, Maman revient, pauvre orphelin de Jean-Claude Grumberg, Point à la ligne de Véronique Olmi, L’Incorruptible de Hugo von Hofmannsthal, Monsieur de Pourceaugnac de Molière, Extermination du peuple de Werner Schwab, Arcadia de Tom Stoppard et Les Bonnes de Genet.
Dans le même temps, Philippe Adrien met en scène Tennessee Williams à deux reprises : Un tramway nommé désir, avec Caroline Cellier, au Théâtre Eldorado puis Doux oiseau de jeunesse, avec Claudia Cardinale, au Théâtre de la Madeleine.
Cette période est aussi pour Philippe Adrien marquée par son enseignement (1989-2003) au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. De nombreux projets naîtront de cette pratique du répertoire : Shakespeare Hamlet, puis Le Roi Lear, Marivaux Les Acteurs de bonne foi et La Méprise, Claudel L’Annonce faite à Marie, Brecht Grand-peur et misère du IIIème Reich, La Noce chez les petits bourgeois, Beckett En attendant Godot, Vitrac Victor ou les enfants au pouvoir, Gombrowicz Yvonne, princesse de Bourgogne, Copi L’Homosexuel, Armando Llamas Meurtres de la princesse juive… et en 2010, Le Dindon de Feydeau, récompensé par 4 nominations aux Molières, 3 années de tournée et une reprise estivale au Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Ses relations avec le continent africain ont conduit Philippe Adrien à monter au Théâtre de la Colline Kinkali d’Arnaud Bédouet (Molière du meilleur spectacle de création en 1997) ; à aborder la question de la colonisation avec Mélédouman de Philippe Auger, puis Le Projet Conrad, adaptation de la nouvelle Un Avant-poste du progrès et, en 2014, Boesman et Lena de l'auteur sud-africain Athol Fugard. Il porte aussi à la scène le roman d’Amos Tutuola L’Ivrogne dans la brousse.
Par ailleurs, une fructueuse collaboration avec Bruno Netter, acteur aveugle, et la Compagnie du Troisième Œil, composée de comédiens handicapés et valides, a donné une résonance inédite au Malade Imaginaire de Molière en 2001, puis au Procès de Kafka, à Œdipe de Sophocle, à Don Quichotte de Cervantès et aux Chaises de Ionesco.
On ne saurait dissocier le parcours artistique de Philippe Adrien du Théâtre de la Tempête, sis à la Cartoucherie, où il est invité avec sa compagnie, l’Atelier de Recherche et de Réalisation Théâtrale, par Jacques Derlon en 1985, et qu’il dirigera ensuite pendant plus de vingt ans de 1996 à 2016 : lieu d’accueil et de création, ouvert aux jeunes compagnies comme aux metteurs en scène confirmés, aux propositions les plus contemporaines comme au vaste trésor du répertoire.
Ces dernières années, La Mouette puis Ivanov ont placé Tchekhov parmi les auteurs de référence de Philippe Adrien, aux côtés de Claudel - Partage de midi, Protée - et de Molière - L’École des femmes, spectacle nominé pour le Molière 2014 de la mise en scène, et celui de la révélation féminine en 2015, en tournée jusqu'en décembre 2017.
Ce répertoire dramatique ne saurait cependant éluder l’inquiétude et la curiosité dont témoignent les auteurs contemporains : Juan Mayorga La Tortue de Darwin, Werner Schwab Excédent de poids, insignifiant amorphe, et d'après Blandine Solange Exposition d’une femme, lettre d’une psychotique… Enfin, deux pièces coécrites avec Jean-Louis Bauer : Bug ! se propose, sous la forme d’un périple rêvé à travers notre mémoire et les enjeux scientifiques et artistiques actuels, de « faire un point » sur notre civilisation ; La Grande Nouvelle, variation contemporaine du Malade imaginaire, ironise sur le désir actuel d’immortalité ; Le Bizarre incident du chien pendant la nuit, adapté par Simon Stephens du roman best-seller de Mark Haddon raconte le voyage initiatique d’un jeune autiste et met en scène les drames de la parentalité.
Nature – selon Molière ; Vie – selon Tchekhov ; Esprit – selon Claudel : tels pourraient être les maîtres mots d’un parcours qui ne cesse de mettre en tension – sans espoir de résolution – ordre et désordre, contrainte et liberté, forces et forme, fini et infini, soit un portrait de l’humanité « aussi proche des poubelles que de l’éternité ».
A récemment mis en scène :
• 2015
- Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit
de Mark Haddon, adaptation Simon Stephens
texte français Dominique Hollier
(reprise et tournée en 2017)
• 2015
- La Maison d'à côté
de Sharr White (nomination Molière 2015 du Second rôle)
• 2014
- La Grande Nouvelle
de Jean-Louis Bauer et Philippe Adrien (nomination Molière 2015 de la Révélation féminine)
- Boesman et Léna d'Athol Fugard
• 2013
- L'Ecole des femmes de Molière
(nomination au Molière 2014
de la mise en scène du théâtre public
et au Molière 2015 de la Révélation féminine,
tournée en 2014/15, 2015/16 et 2016/17)
- Le Dindon de Georges Feydeau
(4 nominations aux Molières 2011)
- Partage de midi de Paul Claudel
(nomination au Palmarès du théâtre 2013)
- Protée de Paul Claudel
(Prix Poquelin)
• 2012
- Exposition d'une femme
d'après Blandine Solange
- Bug ! de Jean-Louis Bauer et Philippe Adrien
- L'Affaire de Jean-Louis Bauer
- Ce soir, on improvise de Luigi Pirandello
• 2011
- Les Chaises de Eugène Ionesco
- La Tortue de Darwin de Juan Mayorga
et dans le cadre de la manifestation " Théâtre à vif " (juin 2011) :
- Inoculez-moi encore une fois le sida et je vous donne le nom de la rose de Blandine Solange
- Partage de midi de Paul Claudel
- Ourika de Claire de Duras
- Rêves...
- Protée de Paul Claudel
• 2010
- Le Dindon de Georges Feydeau
4 nominations aux Molières 2011
(reprise parisienne en septembre 2011, tournée de janvier à juin 2012 et de décembre 2012 à mai 2013)
• 2009
- Le projet Conrad d'après Joseph Conrad
- Une Vie de château de Jean-Louis Bauer et Michel Couvelard
- Œdipe de Sophocle
• 2008
- Ivanov de Anton Tchekhov
- Meurtre par omission de Jean-Pierre Klein
• 2007
- Meurtres de la princesse juive de Armando Llamas
- Don Quichotte de Cervantes
• 2006
- La Mouette de Anton Tchekhov
- L'Ecclésiaste, tout est fumée
- Jeux de massacre de Eugène Ionesco
• 2005
- Andromaque de Racine
- Phèdre de Racine
- La Noce chez les petits-bourgeois créoles d'après Bertolt Brecht
- Mélédouman de Philippe Auger
- Doux Oiseau de jeunesse de Tennessee Williams
- Le Procès de Frantz Kafka
• 2004
- Yvonne, princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz
- Meurtres de la princesse juive d'Armando Llamas (maquette)
- Rufus joue les fantaisistes
• 2003
- Cadavres exquis d'après le répertoire du Grand-Guignol
- L'Incroyable Voyage de Gilles Granouillet
• 2002
- Extermination du peuple de Werner Schwab
- L'Ivrogne dans la brousse d'après Amos Tutuola
• 2001
- Le Malade imaginaire de Molière
- Monsieur de Pourceaugnac de Molière
• 2000
- Le Roi Lear de William Shakespeare
- Les Bonnes de Jean Genet