"Le mensonge est érigé en ordre universel". Cette phrase du Procès de Kafka résumait pour Walter Benjamin le propos de Brecht dans Grand-peur et misère du IIIème Reich. La première représentation, par le théâtre de l'Emigration, venait d'avoir lieu, en allemand, salle d'Iéna à Paris, le 21 mai 1938. La pièce est fondée sur des récits de témoins oculaires et des extraits de journaux. Les scènes sont expressément datées et réunies à peu de chose près dans l'ordre chronologique. La première, Communauté nationale (1933) comporte un aspect programmatique : "Il (Hitler) réalisera tout". La dernière, Referendum, (1938) montre la voie de la résistance : sur le tract "le mieux est de mettre un seul mot : non". Certes nous vivons une époque différente ; pour autant ces éclats exemplaires d'un autre temps ne nous laissent pas indemnes. Loin s'en faut ! Ils provoquent des sentiments contradictoires, une oscillation entre effroi et jubilation, un trouble qui nous impose, pour le moins, de réfléchir. Le mensonge est-il l'apanage des temps de terreur ?