Saison 2011 - 2012
« Moi ! Moi ! Moi ! »… Mais qu’est-ce qu’il veut encore celui-là ? On croyait pourtant en être venu à bout. On ? c’est qui On ? C’est Nous bien sûr, et même peut-être : le Nous qui, comme on sait, a tout pour triompher du Moi. D’où vient donc qu’il n’y parvienne pas ? Mettons que ce soit structurel : il faut du Nous pour tempérer les ardeurs dévastatrices du Moi, dont on ne saurait pourtant se passer.
Je songe à tel collègue metteur en scène et pédagogue qui, préoccupé d’éthique, voue ses efforts à éradiquer le moi des comédiens qu’il tient sous sa coupe. Mais que fait-il alors du sien ? Son Moi à lui ? Il répondra bien sûr qu’il n’est, pour sa part, qu’abnégation et humilité. « Humilité vicieuse », eût dit Descartes, tant il est vrai que les humbles déclarés, affichés, en sont particulièrement encombrés de ce misérable Moi dont d’autres s’accommodent.
Je me rappelle aussi de la fin des années soixante où, au sein du Théâtre Public, on commença à s’inquiéter du semblant d’unanimité entretenu par la bonne parole politique du Théâtre Populaire. Que faire, sinon en supprimant les abonnements, réactiver le désir individuel ? Comme Ionesco le fait dire à son penseur d’occasion, le Vieux dans Les Chaises : « L’individu et la personne, c’est une seule et même Personne ». La majuscule est de Nous, ou si vous préférez, de Moi. Elle est destinée à marquer que chez l’individu, chez le Moi (chez Moi ou moi, comme vous voulez), s’il y a de la Personne, il y a conséquemment de l’Autre. Autant dire, aussi bien du Nous que du « Ça », qui fit avec bonheur notre titre l’an passé.
Enfin, en cette saison qui sera celle de l’élection du Chef Suprême – on voit déjà ce que cela provoque comme é-moi chez la plupart des Moi(s) filles / garçons qui candidatent, au fond il allait de Soi – celui-là on le garde pour une autre fois – d’ainsi titrer ce document.
Et Nous, la Tempête, souhaitons tout simplement qu’il contribue à provoquer l’afflux d’une foule de Moi(s) qui, comme on sait, transfigurés par la magie du théâtre, éprouvent ensemble, au moins durant le temps de la représentation, la ferveur des origines, l’enthousiasme du corps et de l’esprit, suscités par Dionysos, « ce Dieu qui savait danser ».
Dans le même esprit, foin d’anonymat, la grande salle ou salle 1 s’appellera dorénavant : « Jean-Marie Serreau », du nom du fondateur du Théâtre de la Tempête ; la petite salle ou salle 2 prendra le nom de « Copi », merveilleux dessinateur et poète dramatique qui, à plusieurs reprises, a enchanté nos murs. Tous deux, Serreau et Copi, exemplaires d’invention, de fantaisie et d’élan : hommage leur soit rendu !
Philippe Adrien
La meilleure part des hommes
d'après le roman de Tristan Garcia
adaptation et mise en scène Pauline Bureau
Tokyo Bar
de Tennessee Williams
adaptation Jean-Marie Besset (L'avant-scène théâtre)
mise en scène Gilbert Désveaux
Entre
inspiré par Harold Pinter et John Cassavetes
conception et mise en scène Oscar Gómez Mata / La Manufacture-Lausanne