Derniers feux du théâtre baroque : deux ans avant Le Cid et sa querelle, puis l'instauration de l'ordre classique et de la règle des bienséances qui proscrit de la scène toute effusion de sang, Médée : cinq morts, dont deux dans les flammes… à la vue du public. Corneille dit emprunter à Sénèque « ces poisons, ces lamentations, ces cruels élans de l'épouse abandonnée, balancés par l'amour maternel, tant de sentiments qu'elle revêt et dépouille tour à tour… » C'est l'épisode final de la légende qu'il choisit de traiter : Jason, séducteur lassé, tenté par de nouvelles conquêtes – celle surtout de Creuse, fille de Créon, roi de Corinthe – abandonne Médée qui se venge : de sa rivale en lui donnant la robe imbibée de poisons qui les brûle, elle et son père ; de l'amant infidèle en poignardant les enfants qu'elle a eus de Jason… Puis elle s'enfuit. Jason se tue. « Mes désirs sont contents », conclut-elle. Petite-fille du soleil, Médée, l'étrangère, est aussi magicienne : grâce à elle le merveilleux s'infiltre dans cette tragédie de sang. La sorcellerie technologique, en référence au genre de l'heroic fantasy, ne nous permet-elle pas aujourd'hui de passer avec elle du monde des hommes à celui des divinités et de céder à un envoûtement qui ouvre sur l'étrange et sur l'invisible ?