Troisième volet d'une saga, Belle du Seigneur en est aussi le couronnement. Le roman fait suite à Solal puis Mangeclous, et reçoit à sa publication le Grand prix de l'Académie française. Intégrant au romanesque des éléments autobiographiques, Albert Cohen relate l'histoire d'amour entre Ariane D'Auble, issue de l'aristocratie protestante, épouse d'Adrien Deume, petit bourgeois étriqué, et Solal, juif, haut responsable à la Société des Nations, grand seigneur séduisant et caustique qui la conquiert en quelques heures, dénonçant avec cynisme et ironie la crédulité féminine. L'homme Cohen – lui-même fonctionnaire international – avait « une malice sèche et une extraordinaire puissance comique dans l'art de démonter et déjouer les comédies de l'amour. » Dans cette oeuvre foisonnante, passions et ridicules se disent à travers de nombreux monologues et descriptions, floraisons baroques où les mots s'accumulent avec jubilation. Ariane, dont nous recueillons les confidences, s'y montre à la fois charmante et émouvante quand elle évoque son enfance, nous entretient de mille anecdotes ; agaçante parfois par son désir de séduire ou pathétique quand elle tente de sauver son amour… passionnante toujours. Les méandres, fantaisies et surprises de sa pensée, Ariane – selon sa « manie de solitude » – nous les livre ici dans sa baignoire : les fureurs et les songeries du désir deviennent alors un bain bouillonnant de mots.