Le théâtre regorge de scènes diverses d’usurpation, qu’il s’agisse d’identité, de titre, de vie. A chaque fois, ou presque, on est saisi : ça joue. On éprouve avec netteté que le théâtre est un jeu. Un jeu entre identité et perception. Ce que l’on veut travestir ou figurer, ce que l’on est prêt à croire. Jeu de masque et jeu de rôles.
Le plus passionnant, au-delà du plaisir et de la cruauté du subterfuge, c’est bien ce que cela révèle de la vérité profonde des êtres et de nos rapports sociaux, et même ce que cela crée. Jouer à être autre c’est créer un monstre, un tiers, parfois plus riche que soi et son masque. L’usurpation illustre parfaitement la puissance troublante du jeu à la fois d’un point de vue physique et métaphysique. Usurper, c’est un vol bien sûr, mais c’est aussi redonner du jeu - au sens mécanique - de l’air, créer un espace. C’est cet espace de liberté que nous nous proposons d’explorer. Et puis cela nous ouvre un répertoire divers, ample et borné à la fois : Molière, Gogol, Shakespeare, Feydeau, Synge, Genet, Marivaux, Erdman, Brecht, Bayamack-Tam…. un vrai festin !
Depuis plusieurs stages déjà, nous concevons ces moments privilégiés comme des ateliers de pratique et d’expérimentation. Ce sont les auteurs et leurs œuvres qui nous poussent à essayer de formuler une réponse aux questions spécifiques qu’ils soulèvent pour l’interprétation. Il s’agira donc d’une plongée dans des œuvres majeures avec une idée derrière la tête : l’une peut éclairer l’autre et vice versa. Le travail sur des œuvres aux intentions poétiques très distinctes, voire opposées, nous mènera à des outils techniques qui peuvent être comparés. Des outils et non une méthode : nous voulons proposer une pratique ouverte plutôt qu’une esthétique. Nous travaillerons sur la présence et la sensation, sur l’étonnement. Autant de manières d’aller conquérir deux vertus essentielles de l’interprétation : l’ivresse et l’exactitude.
Nous tenons à mener un stage boulimique avec un grand volume de scènes : le champ de notre répertoire est ouvert. Les stagiaires proposent les scènes qu’ils veulent jouer, leur désir est premier. Nous souhaitons ainsi nous mettre au service de la relation qui lie l’acteur et l’auteur.
Clément Poirée et Bruno Blairet