La nuit est un moment parfaitement théâtral, à la fois métaphore et instant concret riche de mille sensations physiques et vertiges métaphysiques. Elle dévoile autant qu’elle cache, elle libère autant qu’elle entrave, elle effraie autant qu’elle enveloppe. C’est le moment du rêve et de l’inconscient, du mystère. Elle est porteuse de toutes les métamorphoses. La nuit c’est le temps de la fête et de l’obscurité. Elle a son propre peuple, elle a son propre rythme.
La nuit est un objet de fascination qui traverse le répertoire théâtral et ne se laisse pas réduire. C’est dans cette matière que nous désirons plonger en partant de l’idée simple qu’on ne joue pas de la même manière une scène de nuit que de jour. Que cette différence-là, qui peut prendre différentes formes (de la surexcitation à la suspension somnambulique) est un magnifique objet d’étude théâtrale. Il pose des questions poétiques et organiques à la fois. Comment la nuit s’incarne ?
Pour répondre à cette question nous nous proposons de nous aventurer dans un répertoire large avec des pièces qui chacune aborde à sa manière ce temps de nos vies : La Nuit des rois, Macbeth, Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, L’Hôtel du libre-échange de Feydeau, Tambour dans la nuit de Brecht, Georges Dandin de Molière, Les Aveugles de Maeterlinck, La Ligne solaire de Viripaev, Le Balcon de Genet, Ajax de Sophocle, La Nuit de Madame Lucienne de Copi, L’Echange de Claudel... Le champ est vaste.
Depuis plusieurs stages déjà, nous concevons ces moments privilégiés comme des ateliers de pratique et d’expérimentation. Ce sont les auteurs et leurs œuvres qui nous poussent à essayer de formuler une réponse aux questions spécifiques qu’ils soulèvent pour l’interprétation. Il s’agira donc d’une plongée dans des œuvres majeures avec une idée derrière la tête : l’une peut éclairer l’autre et vice versa. Le travail sur des œuvres aux intentions poétiques très distinctes, voire opposées, nous mènera à des outils techniques qui peuvent être comparés. Des outils et non une méthode : nous voulons proposer une pratique ouverte plutôt qu’une esthétique. Nous travaillerons sur la présence et la sensation, sur l’étonnement. Autant de manières d’aller conquérir deux vertus essentielles de l’interprétation : l’ivresse et l’exactitude.
Nous tenons à mener un stage boulimique avec un grand volume de scènes : le champ de notre répertoire est ouvert. Les stagiaires proposent les scènes qu’ils veulent jouer, leur désir est premier. Nous souhaitons ainsi nous mettre au service de la relation qui lie l’acteur et l’auteur.
Clément Poirée et Bruno Blairet