Depuis quatre stages déjà nous concevons avec Bruno Blairet ces moments privilégiés comme des ateliers de pratique et d’expérimentations. Ce sont les auteurs et leurs œuvres qui nous conduisent à formuler et tenter de répondre aux questions spécifiques qu’ils soulèvent pour l’interprétation. Nous faisons le choix de confronter à chaque fois deux auteurs (Brecht-Claudel, Tchekhov-Levin, Genet-Marivaux, Shakespeare-Barker). Cette mise en parallèle s’est révélée passionnante, dialectique, curieuse. Elle ouvre un champ d’interprétation à la fois vaste et borné.
Aujourd'hui nous nous proposons de renouveler l’expérience des « œuvres parallèles » en choisissant de travailler sur deux théâtre-mondes avec Molière et Copi. Nous voulons mettre à l’épreuve du plateau les correspondances qui se dessinent entre les deux univers, voir les scènes écrites par l’un succéder à celles écrites par l’autre, se confronter, se compléter, se contredire aussi.
Mettre en regard les œuvres de Molière et Copi c’est d’abord une manière de définir un répertoire, un espace de travail riche et vaste pour les comédiens. C’est aussi aborder deux modes d’interprétation bien distincts, qui font appel à des techniques très différentes. C’est enfin une plongée dans deux œuvres majeures avec une idée derrière la tête : l’une peut éclairer l’autre. Et vice versa.
Ce sont deux auteurs qui secouent chacun à leur manière le désir démesuré, le désir de démesure, jusqu’au monstre. Ce sont deux auteurs-enfants aux univers emplis de joie et d’inquiétude.
Avec Bruno Blairet, nous aimerions approfondir le travail passionnant du geste et de la parole vive engagé au cours de nos expériences communes au plateau et lors de nos précédents stages. Nous pensons que chaque dramaturge appelle des techniques propres. Au travers d'exercices nous prêterons une attention particulière aux images proposées par les textes et la manière de leur donner corps, de les rendre concrètes. Pour chacun des deux auteurs nous chercherons à élaborer et partager des outils propres d’interprétation. Des outils, et non une méthode : nous voulons proposer une pratique ouverte plutôt qu’une esthétique. Nous travaillerons sur la présence et la sensation, sur l’étonnement. Nous tenons à mener un stage boulimique avec un grand volume de scènes. Nous laissons le champ de nos deux répertoires ouverts. Les stagiaires proposent les scènes qu'ils veulent jouer. Leur désir est premier. Nous voulons nous mettre au service de la relation de l'acteur avec l'auteur. C’est Tchekhov, dans une lettre à Maxime Gorki du 3 janvier 1899, qui définit le mieux à mes yeux l’objectif exorbitant, presque inavouable, que nous nous fixons : Lorsque, pour un effet déterminé, on met en jeu le minimum de gestes, cela s’appelle la grâce…
• Clément Poirée