Chaque acteur a déjà vécu ce moment étrange, cette « crise » de tension qui survient dans un théâtre 1h15 avant la première représentation. Nous partirons de ce moment-là, l’installation de ce microcosme bizarre où chacun vit une tension différente, pour créer des scènes à partir des propres histoires de chacun, au moyen de l’improvisation et de l’écriture au plateau.
Les stagiaires-comédiens seront mis en position d’être les créateurs de leurs fictions et de leurs personnages. En partant de ce qu’ils sont, de leurs histoires, de leurs souvenirs, nous inventerons des moments de jeu qui leur appartiendront. Je les dirigerai dans ce travail pour les former à une certaine autonomie de création, pour qu’ils fassent confiance à leur univers singulier. Une démarche qui, pour n’être ni confortable ni conventionnelle, permet à l’acteur de s’immerger dans la création et dans l’écriture en direct. C’est avant tout cette corde de créateur, d’auteur au plateau que nous tenterons de faire vibrer.
Nous pratiquerons l’écriture au plateau, comme Ariane Mnouchkine, Peter Brook, Simon McBurney ou encore Joël Pommerat ont pu la développer. L’objectif pédagogique sera de placer l’acteur comme un créateur, de l’inviter à écrire et à se dire qu’il peut partir de lui-même pour inventer, pour créer. Dans la direction d’acteurs, je transmettrai au comédien une autonomie de jeu, pour lui donner confiance en son intelligence, en sa sensibilité et dans le texte qu’il produira en improvisant ; confiance en son instinct à jouer comme un enfant, pour lui faire trouver ou retrouver le lien avec l’autre qui permet d’être juste à tout moment, et ainsi de créer un vrai présent scénique, loin de tout placage d’émotions ou d’effets. Les comédiens avec qui je souhaite travailler ne seront donc pas des exécutants ou des imitateurs mais des créateurs, des fabricants.
Dans cet esprit, pour révéler mieux encore cette qualité de présent et cette intimité spéciale que cherchent, au théâtre comme à l’image, des artistes tels que Patrice Chéreau, nous ferons appel en fin de stage à la caméra. Les images que nous capterons nous permettront de créer une dynamique, de provoquer un endroit de travail susceptible de nous mettre en mouvement ; elles nous seront également très utiles pour compléter autrement notre travail, et pour le faire progresser. Nous n’en ferons pas un film, ce ne sera qu’un brouillon de rêve, qui ne sera jamais exploité et dont chaque comédien pourra conserver une copie des rushes.
Igor Mendjisky
