« Cela a été difficile d'écrire Les Trois Soeurs, notait Tchekhov, car il y a trois héroïnes, chacune doit avoir sa personnalité, et toutes sont filles de général… » Trois femmes donc, ici seules en scène. Apparaissent à l'écran ceux avec qui elles entretiennent un dialogue – tantôt concret, tantôt intérieur – et c'est donc par image interposée que leur frère, leur père, leurs amours s'adressent à elles… Le récit au passé d'Olga se transforme peu à peu, avec Macha, en dialogue actuel et avec Irina, en appel vers l'avenir. La question de l'amour en constitue le coeur : jamais accordé à la durée vécue, le sentiment survient trop tôt ou trop tard : la vie a déjà séparé les êtres… Mais voici que – par la conciliation de l'image filmique, de la musique, du jeu dramatique – le temps peut être harmonisé, réenchanté. « Ne sois pas triste, recommandait Tchekhov à Olga Knipper – sa compagne, comédienne des Trois Soeurs : les gens qui portent en eux depuis longtemps le chagrin se contentent de siffloter et de se perdre souvent dans leurs pensées. » Claire Lasne Darcueil, actuelle directrice du Conservatoire national d'art dramatique, poursuit son « aventure Tchekhov », commencée en 1995 avec un Platonov remarqué…