Soldat ventre-plein s'est emparé de la maison, de la femme, de l'enfant. À son retour de guerre, Soldat ventre-creux se révolte : « J'ai vécu ici, j'ai caressé une femme et embrassé un enfant et maintenant, un autre vit à ma place ». Après Plaute et Molière, Levin retrouve le thème d'Amphitryon et de son valet Sosie, personnage à l'identité bafouée, spoliée... soldat inconnu. Mais ici, nul dieu ni puissance au-dessus de la mêlée. Sous la plume de Levin, l'humanité refuse d'abdiquer : repoussant les limites du possible, Soldat ventre-creux poursuit un fol espoir, et c'est son combat que nous suivons : absurde, cruel, farcesque... Sa force, ne la puise-t-il pas dans le regard de l'enfant, silencieux et attentif, qui l'observe et peut-être l'attend ? Avec humour et causticité, Levin représente la souffrance et l'humiliation liées à toute domination, qu'elle soit le fait d'un individu ou d'une nation. Parmi les dernières pièces de l'auteur israélien disparu en 1999 – et à l'image de l'œuvre entière : tendre et cruelle, métaphysique et politique –, Le Soldat ventre-creux constitue, dans la collision de l'horreur et du sublime, l'ultime appel de Levin à la paix et à la tolérance.