L'amour est-il fichu ? Après avoir bondi un siècle durant des canapés vaudevillesques aux divans freudiens, il semble étrangement clopiner. Crampe passagère ou sénilité émérite ? Linda veut aimer Micky, qui ne sait plus dire qu'il aime Linda, ni Jenine d'ailleurs, qui tient quand même à Micky, mais n'a que faire de M. Stevenson qui, lui, aime un peu trop sa fille, Linda. Désespérément rivés à leur existence, les personnages nous entraînent dans une chaotique farandole où s'esquisse peut-être un nouveau mode amoureux qui aspire moins à l'éternité qu'à l'oubli. Parmi les derniers dialoguistes du théâtre contemporain, Motton fuselle chaque réplique comme ces messages stellaires à destinataires incertains. Ses missives nous traversent, rappelant chacun à sa folie quotidienne, à son ressasement intime, comme l'écho d'une langue intérieure. Avec des fragments de vies, de conscience, de sentiments, d'humeurs, il compose le cauchemar amusé de cette odyssée intérieure et immobile qui se pavane sous le nom d'amour. Saurons-nous jamais si nous avons affaire à une pathologie cocasse de l'imaginaire ou à la radioscopie acerbe de notre inconsolable besoin de promiscuité ?
Frédéric Bélier-Garcia