La Grande Magie, écrite en 1948, fait partie d'un recueil intitulé "la cantate des jours impairs". Pour la première fois de Filippo pouvait s'exprimer ouvertement, après la censure de l'ère fasciste, et mettre en œuvre la forme théâtrale à laquelle il avait toujours aspiré : "la correspondance idéale entre vie et spectacle, la fusion tantôt harmonieuse tantôt grinçante, entre rires et larmes, grotesque et sublime, drame et comédie". Dans les jardins d'un hôtel de luxe, le magicien Otto fait disparaître une femme, contre de l'argent, afin qu'elle retrouve son amant pour un quart d'heure. L'absence va durer quatre ans mais l'illusionniste fera croire au mari trompé, Calogero, que le temps est celui de la représentation théâtrale. Le magicien nous entraîne dans un vertige qui altère sensiblement notre perception de la réalité. Calogero, lui, utilise la folie comme rempart contre la souffrance. Sa femme est enfermée dans la boîte mais la boîte de Pandore doit rester close de peur que l'espérance ne s'envole. Sans fable la vie serait intolérable, et il y a parfois autant de vérité dans les légendes que dans l'histoire. Dans ce songe insolite, de Filippo fait apparaître les personnages comme des clowns désarticulés, porteurs d'une dimension surnaturelle. La magie n'est cependant pas le véritable sujet de la pièce mais l'ultime artifice de l'auteur pour rapprocher vie et théâtre jusqu'à les confondre dans un geste où l'humanité se révèle à la fois profonde et légère.