Têtes-Mortes, cet ancien terme de chimie désigne les résidus d'une expérience. C'est aussi le titre d'un recueil de nouvelles de Samuel Beckett (éditions de Minuit). Deux de ces nouvelles servent de point de départ à notre travail. Ce spectacle, «résiduel» pourrait-on dire, se présente en deux parties concourrantes :
• Première partie : "D'un ouvrage abandonné"
Un homme tente de se souvenir de ses jours passés : pour chaque jour le souvenir d'un événement. Quelquefois d'une sensation. D'une image. D'un geste. Pour certains jours aucun souvenir. Que reste-t-il dans nos têtes lorsque l'on revient en arrière. Le résidu d'une vie... Peu de choses. Ici la maison, le jardin familial, cet insoutenable désir d'en sortir. Partir. Quitter cet univers, le regard trop attentif d'une mère aimée et haïe à la fois. Oui retient et qui pousse. L'absence d'un père trop attendu - Départs- Retours. Quelques images, quelques bruits, à peine quelques sensations, puis rien ... Et puis se souvenir, la tâche de se souvenir.
• Deuxième partie : "Assez"
C'est cette fois une femme qui se souvient. Ses dix dernières années. A arpenter le monde, avec ce vieillard presqu'aveugle (jusqu'à tel point ment-il ou ment-elle?), amant, père, ou rencontre de fortune. Ils ont marché en parlant. Marché sans parler. Et aussi parlé sans marcher. Plusiers dizaines d'années. Ils se sont soustraits du monde. Seuls, ensemble. Jusqu'au jour où il la quitta- ou était-ce elle? comment savoir? et où elle commença de se souvenir... de ses dix dernières années...
Jean-Claude Fall
