Stage d'interprétation sous la direction de Igor Mendjisky
Pour ce stage, j’aimerais encore une fois faire quelque chose qui ne soit pas confortable, pas conventionnel, je tenterais à nouveau de relier cette pensée à ma démarche de travail en m’imposant de construire en décortiquant et en improvisant avec les comédien.ne.s autour de plusieurs œuvres dont la thématique dominante sera « La famille ». Je pense plus précisément à l’écriture de Anton Tchekhov et de Jean-Luc Lagarce. Il y a chez ces deux auteurs quelque chose d’absolument extraordinaire dans la manière qu’ils ont chacun de construire des récits familiaux, de définir précisément et en quelques phrases les rapports étranges qu’on observe dans toutes les familles.
il me semble assez évident et extrêmement intéressant de tenter dans le cadre d’un stage de confronter certains extraits de ces deux auteurs au plateau, d’inviter les comédien.ne.s à fouiller ces personnages si charismatiques, à être, autour de ces deux chemins d’écriture, des créateurs, des joueurs, les inciter à trouver l’endroit juste de l’oralité. Comment doit-on s’approprier ces deux langues au plateau ? Comment peut-on faire confiance à une œuvre, la respecter, en s’offrant la possibilité d’improviser pour faire de nous les personnages de ces familles que nous connaissons tous d’une certaine manière.
En partant de ce qu’ils sont, de leurs visions de ces deux auteurs, nous inventerons en improvisant des moments de jeu qui leur appartiendront et je dirigerais les comédien.ne.s dans ce travail pour les former à une certaine autonomie de création, à une confiance en leur profession et en ce qu’ils sont. Puis, nous nous interrogerons sur la musicalité si particulière de ces deux auteurs. Cette musicalité qui pourrait nous faire croire que tout cela est quotidien et qui pourtant ne l’est pas, la poésie jaillit à chaque coin de phrases ou de dialogues. C’est cette poésie commune à Tchekhov et Lagarce que nous irons chercher, creuser en profondeur.
Fernando Pessoa disait que l’acteur était malheureusement le valet de l’art. Je pense pour ma part que les temps changent, que notre métier est de plus en plus difficile à pratiquer et qu’il est possible aujourd’hui de créer autrement, de ne pas être qu’un valet. Il est possible de multiplier les cordes de notre arc en faisant confiance à notre créativité. C’est avant tout cette corde de créateur, de penseur et d’auteur au plateau, que je tire comme un fil rouge dans mes spectacles et que je tenterai de transmettre aux comédien.ne.s. Partir de nous pour aller vers l’autre, partir de notre histoire pour raconter avec âme et poésie l’histoire des autres.