Stage d'interprétation sous la direction de Gérard Watkins
En 2014, j’ai animé un court stage avec les élèves de l’ERACM autour de ces deux œuvres majeures de Henrik Ibsen. J’avais déjà entamé mes premières recherches pour Scènes de violences conjugales, et il y avait là matière à résonances. Le terme d’ « hystérie » est monté plusieurs fois à la surface, et j’ai voulu approfondir, notamment lors d’une session suivante à l’ERACM qui était une recherche de plateau autour de l’hystérie. Les recherches intensives menées autour de ces deux sujets me donnent aujourd’hui envie d’interroger à nouveau ces œuvres.
Les grands poètes dramaturges sont des devins. Ils arrivent par leur conscient et par leur inconscient à un savoir qui est difficilement accessible par la science ou par la recherche. C’est à partir d’une intuition hallucinante qu’ils vont nous offrir un matériau que l’on peut fouiller et refouiller sans avoir peur d’en abîmer la substance.
Quand je pense à Ibsen, du point de vue de l’acteur et de son plaisir de jeu, je pense toujours à la piste noire de ski. Le nombre de virages est hallucinant, et le degré de la pente qui mène aux abîmes est vertigineux. Il y a des bosses, des crevasses, des relents de poudreuse, du verglas, il n’y a rien de confortable. Sa technique d’écrivain est celle qui m’anime, et que je pratique aujourd’hui sur le plateau avec les acteurs. Connaître les personnages au plus profond de leur intimité, les prendre par le col, et ne pas les lâcher jusqu’à ce qu’ils aient accompli leur destin. C’est en cela que le théâtre n’est pas un téléfilm, nous n’y avons aucun compte à rendre à la crédulité formelle. Ibsen a assez prouvé à quel point il maîtrisait toutes les formes, poème dramatique, drame réaliste, et qu’il y avait bien un échange, un souffle, entre les formes qu’il a pu tenter.
D’abord, nous examinerons la nécessité du travail de table, et établirons la mise en commun de nos interrogations. Il s’agit à la fois de décortiquer l’œuvre, et d’en chercher les résonances dans le contexte actuel. Via l’improvisation, nous chercherons ensuite, par des ancrages simples, concrets et imaginaires à inventer le personnage à vue, sur le moment, sur l’instant, pour lui trouver une symbiose immédiate à partir de laquelle on peut se mettre au travail. La suite naturelle de l’appropriation, est la musique, c’est à dire un travail à la fois musical et rythmique sur le texte, qui est, au-delà de toute psychologie, le travail qui différencie et personnalise tout acteur.trice. Un travail particulier sera fait sur comment s’accorder pour exploser les clichés musicaux qui nuisent à la présence et à la compréhension intime de l’œuvre. Nous rechercherons la temporalité précise de la scène, pour y chercher les impacts dramaturgiques et comprendre comment cette temporalité « explose » le quatrième mur. Enfin, nous chercherons à concilier deux «moteurs» distincts, qui sont les enjeux du conscient et les enjeux de l’inconscient.
• Gérard Watkins