Qui est-il ce citadin de la mégalopole moderne, et comment  parler de lui au théâtre quand cinéma et télévision se saisissent régulièrement des faits de société ? J'ai rencontré des femmes, des hommes, habitant différentes régions, je les ai interrogés sur leur vie, sur ce qu'ils ressentent de leur quartier, de l'endroit où ils vivent. Puis les acteurs ont repris le texte de ces témoignages, pour les dire au public. Au-delà de la fascination que chacun d'eux a suscitée, la question du personnage et du héros a surgi. Les personnes réelles se sont effacées devant les personnages, et leurs histoires singulières portées sur la scène sont devenues emblématiques. En m'inspirant du cinéma du réel, j'ai proposé que nous donnions une représentation au théâtre de cette réalité, sans réécriture, sans artifice, au plus près d'une restitution troublante de vérité. Convoquer sur la scène ceux qui n'existent pas au théâtre, ou qui n'y apparaissent que comme figurants : femme de ménage, égoutier, écrivain public, boulanger, agriculteur… donner à chacun le temps de parole et le statut de premier rôle, c'est poser la question du personnage de premier plan, et donc celle du héros. Transmettre, par le théâtre, cette oralité m'apparaît comme un moyen radical de parler de la société dans laquelle nous vivons et de mieux la comprendre. Comment vivre la ville aujourd'hui ? grande, moyenne, petite, devient-elle un espace où l'on cohabite sans vivre ensemble ?