Kurt Weill qualifiait sa musique de «sérieuse» tout en la destinant aux «masses» : à l'instruction des collégiens allemands (Vous voulez entendre une musique que vous compreniez sans qu'on vous l'explique), comme à l'exaltation de la poésie de Brecht (La musique doit prendre une part active à la représentation des événements, elle ne doit se rapporter qu'à l'homme), ou encore à la création d'un opéra «opéra américain» (Je suis, depuis longtemps, d'avis que la scène de Broadway peut devenir le lieu de naissance d'un théâtre musical authentiquement américain.) Authentique allemand (Pendant huit cents ans ma famille a servi ce pays de son mieux) mais contraint de fuir sa patrie en 1933 (Je n'y serais pas le bienvenu si j'y retournais sauf bien sûr si je me décidais à visiter un camp de concentration), il est autant à son aise à Paris qu'à New-York (Paris ! Jamais je n'ai travaillé comme à Paris.) C'est cet humaniste, citoyen du monde, que nous voulons chanter aujourd'hui, cet homme collaborateur de Brecht, ami de Gide, de Milhaud et des Gershwin, auteur d'un Requiem pour la radio allemande, de chansons réalistes pour la française Lys Gauty aussi bien que de standards immortalisés par Ella Fitzgerald et Franck Sinatra.