Raconter la pièce, est de peu d'intérêt ; qu'il suffise de dire qu'une femme et trois hommes y déclinent chacun dans leur style tous les déchirements de la passion...
Que l'amour, le corps de l'autre, soit à ce point la substance de la pièce, que la passion des personnages soit si forte qu'elle nous suspend à leurs lèvres malgré ce fourmillement du style claudélien, c'est bien ce qui décide de notre adhésion à cette œuvre, sans doute une des plus fortes écrites au XXe siècle. Et puisqu'on parle d'amour, il y a ce qui le traverse et le détermine, comme en passant, la trame sociale dont il se tisse, ici la Chine colonisée, ses odeurs, ses saveurs, ses espaces, ses révoltes.
L'un des protagonistes y restera : Une paillote misérable, un homme mort / Et sans relâche du toit une goutte d'eau / Choit sur la prunelle même de l'œil béant. Deux autres, un peu comme dans Pierrot le Fou, se feront sauter, eux et la maison, assiégés qu'ils sont par la révolte des colonisés. Ça vous déracinera la cambuse comme un petit volcan ! / Nous ne mourrons pas nous disparaîtrons dans un coup de tonnerre ! / Pêle-mêle, corps et âme.
L'amour, il faut y mettre le prix... Que cette œuvre qui ouvre le siècle (1906) mette en son centre des préoccupations qui, tout compte fait, restent encore celles de sa fin, n'est pas l'une de ses moindres séductions !
Jean-Pierre Rossfelder