Mattis, un simple d'esprit, vit avec sa soeur, Hege, à la lisière d'une forêt, aux abords d'un lac. Il communique avec les arbres, les oiseaux, le vent. Les signes de la nature, il les interprète comme des symboles de sa propre existence. Hege, elle, s'accroche aux événements quotidiens comme à des planches de survie. Pour avoir consacré sa vie à son frère, elle n'a pas connu l'amour. Malgré les disputes, les exaspérations, les provocations, Mattis et Hege sont inséparables, comme ces deux arbres enchevêtrés qui se dressent devant leur maison. Jusqu'au jour où l'Autre, venu du monde réel, fait irruption dans leur vie, cet Autre avec sa lucidité, son bon sens, son goût du travail et de l'argent, sa capacité à rassurer, avec son imparable logique de chasseur, de laboureur ou de bûcheron. En séduisant Hege, il brisera l'attente, bousculera le temps, et rejettera Mattis dans l'infinie solitude. La tension entre responsabilité et culpabilité qui anime chacun des personnages parcourt la trame, tissée tout en douceur de ce conte nordique, un conte qui oscille constamment entre l'univers mental peuplé de créatures mythiques de Mattis et le monde matériel, avec ses règles incontournables et son involontaire, sa naturelle cruauté. La sobriété des dialogues, le poids des silences, l'enjeu d'une tragédie qui se situe au-delà des mots suscitent un univers qui peut faire songer à Maeterlinck comme à des réalisateurs tels que Bergman, Dreyer ou Tarkowski ; l'écriture de Tarjei Vessas (1897-1970) n'en demeure pas moins unique, empreinte d'une musicalité plein de tendresse et de compassion pour ces êtres égarés dans un monde trop vaste pour eux.