"La proclamation de l'abolition de l'esclavage se fit à la Guadeloupe avec solennité. Au moment où le gouverneur proclamait l'égalité de la race blanche, de la race mulâtre et de la race noire, il n'y avait sur l'estrade que trois hommes, représentant pour ainsi dire les trois races : un blanc, le gouverneur ; un mulâtre qui lui tenait le parasol ; et un nègre qui lui portait son chapeau."
Victor Hugo - Choses vues
C'est en 1990 que je découvrais Nations nègres et Culture de Cheik Anta Diop. Le grand historien africain y démontre que les Egyptiens de l'antiquité, les pharaons et leurs peuples, étaient des Noirs ; puis il explique comment l'égyptologie occidentale  n'a eu de cesse de nier par le silence et la désinformation ce fait capital : une des civilisations les plus admirées et les plus fascinantes était noire. Une fois achevée ma lecture, je me surpris à penser : "Ce n'est pas possible, on le saurait depuis longtemps", et puis aussi : "L'auteur est africain, sa démarche est-elle vraiment scientifique ?" Temps… Stupéfaction. Où en étais-je ? D'où me venaient pareilles idées ? Je décelais en moi ce que j'appelai alors "racisme résiduel", le racisme de ceux qui ne sont pas racistes, le racisme des gens de bonne volonté. Intriguée, je décidai de partir à la recherche des origines de ce mal secret. La pièce Les Fils de Noé est le fruit de cette démarche. Clive, actrice métisse, entraîne ses deux amis blancs, Gum et Abo, dans la création d'un spectacle ambitieux sur le thème du racisme mais ils vont découvrir, au fil du travail, que leurs esprits sont encombrés de préjugés en tout genre qui s'apparentent fort à ce qu'ils prétendent dénoncer. Cherchant à en comprendre l'origine, ils vont tous trois se confronter à de pénibles et cocasses réalités sociales, familiales et intimes.