Trois cordonniers, grands lecteurs de Kant et de Leibniz, parlent et rêvent du travail, de l'art, du sexe, de la Révolution et du Grand Soir. Après une période de chômage forcé imposée par un procureur satanique, ils prennent le pouvoir, troquent leurs tabliers de cuir contre des pyjamas à fleurs et jouissent enfin des délices de l'oisiveté volontaire. Quant à la société, elle n'aura qu'à se débrouiller sans eux... Ecrite en 1934, mais pratiquement inconnue en France, cette oeuvre est une des plus insolentes et surtout une des plus prophétiques du théâtre contemporain. Pourquoi ? Parce que, sous une forme burlesque, elle pose les questions cruciales sur le pouvoir politique, la révolution et l'avenir de l'humanité. Witkiewicz était hanté par l'inaptitude foncière de l'homme au bonheur, due à son égoïsme, sa cupidité, son étroitesse d'esprit, sa cruauté et sa crédulité native et aussi par la menace, chaque jour plus vérifiée, d'une mécanisation de la pensée. Les Cordonniers s'attaquent à la bêtise "énaurme" - aurait dit Flaubert - et l'égoïsme criminel de l'individu ainsi qu'aux mensonges et aux mascarades des idéologies et des pouvoirs. Et ce, avec un brio, une faconde, un humour, une exubérance, une liberté de langage inouïes ! Moyennant quoi, Les Cordonniers proposent le plus salutaire des décapages des idées toutes faites et des pensées toutes prêtes.