Ecrire une fiction qui permette aux acteurs d'exprimer la perte de tous repères, perte absolue de soi, rupture des liens tissés avec le monde, les êtres, les objets et les pensées. Avec Le Triomphe de l'échec, j'engage ce travail, avec des acteurs, sur les vertiges d'un voyage et d'une exploration qui ont pour destination l'inverse de toute destination, l'inverse de toute pensée ; où l'être, dans les personnages, tout à coup, n'est plus là ou n'est plus là que comme excès, dans une zone où l'horreur et la joie coïncident, où dans ce qu'elles ont de non-chiffrable, la jouissance, la joie, la douleur et la mort sont strictement identiques. Encore une fois, comme dans L'Ordalie, si je pense que la violence est nécessaire au passage du fini à l'infini, du défini à l'indéfinissable, pour moi, elle n'est en aucun cas une fin, elle n'est qu'un levier. Si "voir ce qui est" peut être violent, ce qui importe est de voir "ce qui est", pas la violence que nous essuyons pour voir. Cette ouverture à laquelle nous travaillons avec les acteurs depuis L'Ordalie, ouverture sans réserve à la mort, au supplice, à la joie et à la fête, je la souhaite, avec Le Triomphe de l'échec, comme un furieux antidote contre toutes les tentatives de définir l'homme comme objet ; antidote, ne serait-ce que d'une seconde, une minute ou plus, contre tous les fascismes, petits et grands, dont nous sommes tous capables.