Les jours sont longs, le monde est vieux : cette réplique de Marie à Woyzeck est aussi le titre retenu pour la représentation théâtrale que nous proposons des fragments de Woyzeck, pièce inachavée de Georg Büchner. Nous avons feint de croire qu'il n'était pas tout à fait juste de finir la pièce à la place de l'auteur, même si cela rend notre tâche et celle du spectacteur plus ardue et, qu'à choisir, un désordre s'imposait, celui des quatre brouillons de la fameuse pièce en projet. La force et la singularité du propos ne résideraient-elles pas dans ce mystère ? 
Il était quatre fois l'histoire d'un homme qui, comme tout homme, est la proie de son destin d'homme. Une fois, il tua la mère de son enfant. Mais s'il ne l'avait pas fait il n'y aurait pas eu d'histoire. Plus d'une fois nous pensons saisir les raisons de ce passage à l'acte, et plusieurs fois le récit épique bat en brèche toute tentative derationaliser le cas Woyzeck. La fracture humaine s'ouvre alors devant nous et sa béance nous ramène à la question rituelle du bonimenteur : qu'est-ce qu'un homme ?
Il était donc quatre fois une blessure à l'âme qui s'ouvre sur le cœur même du travail théâtral : la répétition. 
Ou comment à travers une forme qui se cherche et qui n'est jamais tout à fait la même, Büchner essaie de convoquer sur la scène le sentiment tragique de la vie ; la répétition comme mise en abyme du "gestus" de l'être humain. 

Vincent Dhelin et Olivier Menu